La période que nous vivions est inédite. Elle est aussi propice à voir émerger une souffrance liée au travail chez les professionnels. Je ne parle pas ici des situations de télétravail, cela fera peut-être l’objet d’un prochain article. Mais plutôt de celles et ceux qui poursuivent, malgré le confinement dû au COVID-19, leur activité sur le terrain. On pense bien entendu en premier lieu aux soignants et personnels hospitaliers. Pour autant, d’autres corps de métiers sont aussi fortement impactés : Forces de l’ordre, hôtes de caisse, métiers de la logistique, pompes funèbres, chauffeurs/livreurs, agents de tri postal…
Voici quelques explications à cette souffrance. Elles sont le fruit de mes observations, mais aussi de différentes études menées sur le contexte d’épidémie que nous traversons. Pour aller plus loin n’hésitez pas à visiter ce site . En anglais mais google trad est notre ami 😊!
L'impact du Virus au travail:
Un certain nombre des éléments à l’origine de la souffrance professionnelle liée au Coronavirus ont déjà été rendus visibles sur les réseaux sociaux ou relayés par les médias. Que vous soyez un professionnel concerné par cette situation, un de leur proche, ou un employeur cet article peut vous intéresser. Sachez que mieux comprendre les mécanismes qui entrent en jeu en cette période peut vous aider à y voir plus clair. Ainsi, vous serez plus en mesure d’agir pour limiter l’impact psychique négatif de cette période difficile.
Conditions de travail, Covid-19 et aspect pratique:
En premier lieu, les professionnels peuvent être impactés par l’augmentation de la charge de travail. D’autant plus si l’activité est à mettre en œuvre avec des effectifs réduits (collègues malades ou confinés pour s’occuper des enfants par exemple…). Cette surcharge temporaire peut se matérialiser par une hausse du nombre d’heures ou par une cadence de travail plus élevée. Bien sur, chez certains cela peut agir comme un stimulant. Mais cette situation risque de donner lieu à un épuisement réactionnel. Surtout lorsqu’elle perdure et s’ajoute à d’autres paramètres tels qu’un isolement social par exemple. Cela peut aussi d’agir comme un accélérateur pour les personnes déjà fragilisées par un épisode de Burn-out ou d’épuisement professionnel .
Cette peur est accentuée par les nombreuses incertitudes liées au virus. Notamment celles concernant sa durée de vie sur les surfaces. Elle peut aussi se combiner avec un ressenti de manque de considération. En particulier si le professionnel ne se sent pas protégé par son employeur, client ou usager. Cela peut être le cas, par exemple, d’une personne qui doit nettoyer aux abords d’un supermarché des masques ou des gants usagés laissés à l’abandon.
Risques infectieux et charge émotionnelle des travailleurs
Au fil de l’exposition, les situations de travail hors normes peuvent également faire naître un sentiment d’impuissance ou d’injustice. Notamment pour celles et ceux qui sont amenés à voir des choses pénibles ou à faire des choix difficiles. Bien entendu on pense ici aux soignants et au tri à effectuer face à l’arrivée massive de patients atteints du COVID-19 et du nombre limité de place. Mais d’autres professionnels ont aussi formulé ce type de sentiment.
Il peut émerger face au non-respect des règles de confinement, ou à l’incivilité de certains dans les magasins. Constat d’autant plus choquant pour des salariés eux-mêmes empêchés de se confiner pour maintenir l’approvisionnement de tous. C’est par exemple déjà le cas de certaines caissières. Elles sont un certain nombre sur les réseaux, à se dire choquées de voir des clients passer chaque jour en boutique avec un ou deux articles. Comportement qui va à l’encontre des consignes qui visent à minimiser nos contacts au strict minimum.
D’autres part, les tensions préexistantes au sein des équipes de travail peuvent aussi être exacerbées. En effet, ces temps de stress, nous confrontent à notre peur de l’inconnu. Toutes les craintes et frustrations que cette situation fait naitre peuvent faire ressortir le meilleur comme le pire chez chacun d’entre nous. Les conflits qui existaient déjà dans l’organisation peuvent donc se retrouver ravivés. De plus le contexte actuel mettant à mal nos repères, il y a fort à parier que ces tensions seront d’autant plus mal vécues par ceux qui les vivent.
Certains effets visibles uniquement à long terme
Le risque d’usure de compassion (ou traumatisme vicariant) plane aussi sur ceux qui sont en lien étroit avec leurs usagers. Ce phénomène prend sa source dans l’engagement empathique du professionnel. Lorsque l’expérience de l’accompagné est porteuse d’effroi, de mort cela ajoute une charge mentale chez le professionnel. En effet, le vécu de la personne prise en charge résonne avec son propre vécu. Dans la cadre de l’épidémie du COVID-19, la prise en charge peut questionner chez celui qui la met en œuvre, son rapport personnel à la maladie, au deuil, à l’isolement… Dans ce type de cas, le professionnel ressent l’intensité de la relation mais sa capacité à penser dans et par le geste professionnel est entravée, souvent car la prise de recul n’a pu se faire. Cela peut par exemple se traduire par des difficultés chez les travailleurs des pompes funèbres, confrontés au quotidien à ceux qui en ces temps de confinement ne peuvent rendre le dernier hommage qu’ils voudraient à leurs proches. La fréquence et le caractère inédit de ces façons hors-normes de faire le travail peuvent mettre à mal leur rapport à leur métier et aux autres.
Il faut également être vigilent à un autre phénomène qui peut émerger après coup : le Trouble de stress post-traumatique (TSPT). Ce trouble s’observe dans le temps et perdure après les évènements. Il peut donner lieu des symptômes intrusifs chez le sujet (Revivre des moments choquants via cauchemars, flashs back,…). Il peut aussi se traduire par des symptômes d’évitement (Eviter les sources de stress, les déclencheurs, lieux, personnes ou activités en lien avec l’élément choquant.). On constatera aussi des modifications des cognitions et de l’humeur (Croyances négatives sur soi ou les autres, humeur colérique ou dépressive…). Enfin, on peut assister à des modifications dans l’éveil et la réactivité ( Hypervigilance, être sur le qui-vive…) ou hypo-activation ( Anesthésie de la pensée, détachement…). Dans ce cas, il est impératif d’entamer un travail thérapeutique.
Agir pour se préserver malgré tout.
Notons que les conseils ci-dessous ont pour but d’agir à titre préventif. Pour tenter de traverser au mieux cette tempête. En aucun cas il ne s’agit d’une baguette magique pour aller bien en toutes circonstances. Bien entendu, face à des symptômes d’épuisement professionnel, ou de TSPT une prise en charge psychologique est primordiale. Par ailleurs, votre employeur est garant de votre santé au travail. N’hésitez pas à l’interpeller pour envisager des améliorations si besoin. De même soyez renseigné sur vos droits et ses devoirs en la matière. Il est important d’avoir l’impression d’être protégé au mieux, même si le risque zéro est souvent impossible. Cela permet déjà de se sentir entendu et reconnu dans ses préoccupations et difficultés. Ce qui est particulièrement réconfortant en cette période.
Prendre soin de soi, sans nier sa réalité:
De Manière générale, face à des symptômes d’épuisement ou de fatigue physique ou mentale, le premier enjeu est de rétablir le mécanisme de récupération. Bien entendu au niveau du corps (sommeil, alimentation…). Mais aussi au niveau psychique en activant des sentiments de satisfaction. Vous trouverez ci-dessous quelques conseils pratiques pour y parvenir. Toutefois, bien qu’il soit important de recharger vos batteries (psychiques et physiques) à l’aide de ces astuces ou d’autres ressources qui vous sont propres, il est important de ne pas nier vos ressentis négatifs. Ils sont là pour une bonne raison. Ils sont le résultat d’un besoin inassouvi (sécurité, confort, reconnaissance…). Les éviter à tout prix reviendrait à nettoyer sa maison en laissant toutes les poussières sous le tapis !
Après la crise viendra le temps de tirer les leçons de l’expérience que nous traversons. Alors, vous pourriez éprouver le besoin de revisiter cela, pour comprendre et agir. Reconnaitre vos affects, même douloureux et inconfortables est important. Et pourquoi pas en garder une trace (par l’écriture, l’enregistrement de notes vocales, le dessin…). Cela permet à la fois d’extérioriser et de savoir qu’on pourra y revenir si besoin. Cela pourra vous être utile pour pouvoir ensuite digérer votre vécu et vous l’approprier dans votre histoire personnelle et professionnelle. Car après la tempête, vient toujours le temps de la reconstruction.
Conseils pratiques pour traverser la tempête Covid-19:
Etre présent à soi :
– Répondre à ses besoins fondamentaux. Cela peut paraitre basique. Pourtant manger, boire et dormir régulièrement peuvent passer au second plan. En effet, dans l’urgence ou la surstimulation, on peut sans s’en rendre compte se couper de ses ressentis corporels. Or l’inattention portée à soi peut, au-delà des risques encourus à titre individuel, également compromettre votre capacité à maintenir votre activité sur la durée.
–Faire des pauses. Dans la mesure du possible, faites des choses, sans rapport avec le travail ou le COVID-19. Choisissez des activités qui vous procurent divertisement ou relaxation. En cette période de confinement, notre choix de loisirs peut être limité. Il faut souvent faire preuve de créativité pour adapter nos loisirs habituels aux contraintes actuelles. A noter: Certains professionnels peuvent éprouver de la culpabilité à prendre le temps de s’amuser alors que d’autres souffrent ou que les collègues travaillent. Or, recharger vos batteries psychiques est indispensable pour tenir dans la durée. C’est aussi pourquoi il est recommandé de maintenir le lien avec vos proches. Ils sont un point d’ancrage de soutien en dehors du milieu professionnel. Partager et rester connecté peut les aider à mieux vous soutenir.
–Rester mesuré dans votre recours aux informations liées au COVID-19. S’il est important de rester informé de la situation. Il est souvent bénéfique de limiter l’exposition des médias. L’afflux d’images et les messages inquiétants ont tendance à augmenter le stress et à entraver votre récupération psychique et votre bien-être général.
Etre présent aux autres :
–Prendre le temps d’échanger avec les collègues. Parler avec ses pairs de ses ressentis permet de ne pas s’isoler des autres. Exprimer les difficultés du travail nous relie à une histoire collective. Cela permet de remettre la juste distance avec les éléments difficiles et de donner du sens au vécu. Partager les frustrations et les pistes d’action peut resouder le collectif. La résolution de problèmes est une compétence professionnelle qui procure souvent un sentiment d’accomplissement. Cela vous permettra également de poser les bases nécessaires pour être en mesure, après la crise, de repenser et faire évoluer les choses qui ont dysfonctionné dans l’organisation de travail.
-Respecter les différences et être bienveillant. Chaque personne réagit différemment en situation de stress. Certaines personnes ont besoin de parler tandis que d’autres doivent être seules. Reconnaissez et respectez ces différences en vous-même, vos patients/usagers et vos collègues. Porter un jugement sur l’autre dans son mode de fonctionnement fera naitre en vous plus de sentiment négatif. De fait, cela sera défavorable à votre santé mentale.